Qui suis-je?

16/08/2018

Me serais-je doutée en allant voir "Qui suis-je?" que j'allais assister à la plus belle représentation de mon festival d'Avignon 2018? Pour être honnête, si on m'avait dit ça au début, je ne l'aurais sans doute pas cru. Car... c'était loin d'être gagné.

Nous sommes le 24 juillet 2018, il est 14h00 et il fait une chaleur à crever. Nous sortons du Malade Imaginaire dont la mise en scène de Daguerre nous a ravi. Les premiers copains du groupe dont je fais partie partent vers Nice, deuxième étape de leurs vacances, marquant le début de la fin de notre festival. Il ne reste plus que Brigitte*, Julien* et moi. Notre TGV pour Paris part à 20h et notre prochaine pièce au Gilgamesh est à 16h10. Que faire jusque là à part flâner mollement dans les rues d'Avignon? Nous sommes lundi et certaines pièces que nous aurions voulu voir font relâche. Au final, pourquoi ne pas aller au Gilgamesh plus tôt et regarder la programmation ? 

A 14h40, on y joue "Qui suis-je?" Jamais entendu parler. Cependant le résumé de l'intrigue au dos du flyer pique notre curiosité. On prend des places. 14h30, nous sommes installés... au premier rang. Les sièges ne sont pas confortables pour un sous et je sens qu'on va souffrir notre mère. Quand je pense qu'on enchaîne dans la même salle juste après... 14h40, la pièce commence.

La scène brille d'un blanc immaculé. Il y a très peu d'accessoires : une estrade côté cour et un banc en bois faisant également office de bureau par un système de lattes mécaniques. Il prend toute la largeur dans le fond de la scène. Un écran géant où sont projetés des dessins pastels fait office de décor en mouvement... un peu comme un dessin animé. Trois acteurs enchaînent alors les différents rôles de la pièce et il y en a un paquet (ça me rappelle vaguement quelque chose) : Vincent, le personnage principal, le bon élève, le gringalet ; Cédric, le nouveau et le beau gosse de service ; Myriam, la copine maligne et éternelle complice de Vincent ; le lourdaud de base martyrisant les plus faibles au collège ; les profs ; les conseillers d'orientation ; les pions ; les parents ; le frangin chiant... Bref, le monde classique de l’adolescence. Mais voilà... Vincent se rend compte un jour qu'il aime Cédric. Toute l'intrigue tourne alors autour cet ado déboussolé par ce qui lui arrive et dont les certitudes volent en éclats. Et que faire du regard des autres, de ceux qui se prétendaient être vos copains hier et qui demain ne le seront plus? Vous n'avez pourtant pas changé. Et lui? Cédric. Ressent-il les mêmes choses pour Vincent? Que faire pour ne pas se faire jeter, voire pire, humilier? Et comment faire taire la rumeur au collège (survie oblige)? Bref, une enchevêtrement d'interrogations sociétales dans la tête d'un ado de 14-15 ans. 

Il est 15h40, la pièce est finie. Le public retient son souffle. J'ai les yeux qui brillent. Je sens ma pote Brigitte très émue et Julien juste à côté qui ne dit mot (pour une fois que ça lui arrive :-) ). J'ai mal au dos mais je m'en fous. Ce que je viens de voir est tout bonnement à la fois original, sensible, drôle et touchant. Une spectatrice rompt le silence par un applaudissement timide. Une première personne l'imite, puis une autre et une autre... Très vite c'est toute la salle qui exulte.

Certains pourront dire que cette pièce est naïve, voire enfantine? Peut-être... Mais honnêtement elle a le mérite de traiter avec sensibilité et pédagogie un sujet malheureusement encore tabou. Ma surprise? Aborder ce thème délicat de l'homosexualité naissante chez un ado, sous l'angle des premiers émois amoureux et du regard de ses camarades, et moins sous l'angle de l'inévitable coming-out familial, spectre classique planant au-dessus du protagoniste principal. La mise en scène originale mêlant high-tech et simplicité est largement à souligner. Pour résumer, "Qui suis-je?" est une véritable trouvaille d'originalité, une petite perle bien cachée dont seul le festival a le secret.

Très sympa la petite discussion avec l'acteur principal au sortir du théâtre. On lui souhaite, ainsi qu'à toute la troupe, un succès bien mérité et une très belle tournée. 

Il est 15h50, nous entrons à nouveau dans la salle pour le prochain spectacle... Je n'ai plus mal au dos.

Et maintenant, à vous de jouer...
Maria-Nella

D'après le roman de Thomas GORNET

Mise en scène Yann DACOSTA

Compagnie le Chat Foin

Interprètes Côme THIEULIN, Manon THOREL et Théo COSTA-MARINI

* les prénoms ont été changés

Théâtre Gilgamesh Belleville - 24 juillet 2018