L'Iliade

27/08/2018

A la base, l'Iliade et le récit de la guerre de Troie naissent d'une histoire assez simple, d'un sujet vieux comme le monde et qui au final régit l'humanité depuis l'antiquité... en d'autres termes une sombre histoire de fesses. En langage du 21e siècle cela pourrait donner le récit qui suit : un mec, Paris, plutôt beau gosse, va pécho la plus belle nana du coin, Hélène, pour la ramener chez lui à Troie. Le hic, c'est que cette nana est maquée non pas avec le petit caïd du temple voisin mais avec le Roi de Sparte (rien que ça), Ménélas. A notre époque, face au jeune Paris le vieux bonhomme aurait sans doute laissé tomber. Mais là, le mec déshonoré lève quand même toute une armée pour aller récupérer sa gonzesse tellement il est vénère. Et oui, on ne lui fait pas à l'envers à Ménélas surtout quand son honneur est en jeu. Rajoutez à cela des petites querelles perso entre des grands noms de l'antiquité (Achille, Ulysse, Hector...), deux trois prêtresses plutôt bien foutues, l'intervention de Dieux et autres divinités qui du haut de leurs nuages Olympiens parient sur leur poulains, et vous avez là l'une des plus célèbres épopées de la Grèce antique à en perdre son latin... ou plutôt son grec ancien.

Dans la version de l'Iliade présentée ici, deux frères se rendent dans le grenier de leur grand-père qui leur demande à titre posthume de bien vouloir ranger le bazar qu'il y règne. Mais très vite, les deux grands enfants trouvent un vieil exemplaire de l'Iliade et à l'aide des vieilleries les entourant commencent à rejouer le texte d'Homère. En un peu plus d'une heure dix, nos deux acolytes vont exécuter une prouesse : se glisser dans la peau de plus de 35 personnages de ce texte mythique. Un code couleur pour différencier les deux camps est adopté. D'un côté nous avons les rouges, les Troyens, balais brosse couleur feu sur la tête et arborant une ceinture de vieilles chaussettes cramoisies en fil d'Ecosse, troupe commandée par Hector. De l'autre, nous avons les jaunes, les Spartiates, brosses à reluire couleur soleil en haut de leur capot et portant eux aussi une ceinture de vieilles chaussettes dorées en laine mérinos, troupe commandée par Achille. Cette règle respectée, nos deux comédiens vont aisément jongler entre tous ces personnages en respectant ce code couleur afin que le public ne soit pas perdu. S'en suit alors une version de l'Iliade faite de bric et de broc. En gros de tout ce qu'on peut trouver dans un grenier : les vielles fourrures mitées de tata Yvonne, des plaids troués, des caisses de bois, des coffres usés, un vieux skateboard, une coiffe d'indien et surtout des frites en polystyrène qui feront office de lance au moment de la grande bataille. Sachez d'ailleurs qu'au moment de l'assaut final, c'est un festival de chaussettes rouges et jaunes qui volent dans tous les sens (un spectateur s'en est même pris une sur la figure). Bref, on est loin du grand ménage demandé par le grand-père. Mélanger le tout et avec un peu d'imagination propre à l'enfance, nous voilà expédiés dans un passé pas si lointain à l'échelle de l'humanité mais où les téléphone portables ne captent pas (et oui on est quand même au théâtre).

Très très drôle les interventions de la Déesse Athéna, coiffée d'un vieux casque de l'armée française et d'une voilette façon veuve de la guerre 14. La seule chose que je regrette un peu, c'est que le 26 août 2018 c'était la dernière de cette pièce qui vaut largement le détour. Néanmoins, à la fin de la représentation, les comédiens qui s'affairaient à ranger (enfin) leur bazar m'ont laissé entendre qu'une fenêtre de tir à Avignon (ou ailleurs) pourrait peut-être se dessiner. A nous de jouer...

Pour conclure, vous me direz que Paris aurait quand même pu choisir quelqu'un d'autre comme copine, cela aurait évité pas mal d'emmerdes à tout le monde. Mais bon, s'il avait fait ça, les deux comédiens ne se seraient pas cassé la tête à nous livrer une version moderne, originale, décalée, drôle et respectueuse du texte d'Homère, et moi, je n'aurais sans doute pas passé mon dimanche après-midi à m'éclater au théâtre avec une copine... Moralité : merci Paris!

Et maintenant, à vous de jouer.
Maria-Nella

D'après HOMÈRE

Traduction Jean-Louis BACKES (éditions Gallimard)

Adapté, mis en scène et interprété par Damien ROUSSINEAU et Alexis PERRET

Théâtre du Lucernaire - 26 août 2018