Les crapauds fous

23/09/2018

Il est 20h00. Je quitte mon petit appartement pour aller rejoindre ma bande d'amis du festival d'Avignon 2018 : Julien, Romain et Floriana*. Brigitte ne sera pas des nôtres ce soir. Nous nous sommes donnés rendez-vous devant le théâtre des Béliers Parisiens dans le 18e pour assister à la pièce Les crapauds fous. Porte à porte j'en ai pour 35 minutes. Mais le conducteur du métro doit être un novice car les rames se traînent. J'ai le sentiment étrange de nager à contre courant... comme un crapaud fou. Au final je rejoins le petit groupe à... 20h53. Je peste. Mais mon "désappointement" ne sera que de courte durée. Je n'ai même pas le temps de dire ouf (ni de même de faire le traditionnel selfie en mode œil) que le théâtre ouvre ses portes et le public s'engouffre dans la salle. Nous sommes accueillis en chanson par un duo de chanteurs dont l'accent nous rappelle les amateurs de poutine. Nous nous calons sur un des bancs. Romain lance un : "préparez-vous à avoir mal au c...". Nous éclatons de rire. :-)

Quand soudain... les musiciens s'arrêtent de jouer, la lumière s'éteint progressivement et le rideau se lève sur un joli décor, l'intérieur d'un cabinet du Dr. Stan, fraîchement à la retraite. Nous sommes au 21e siècle et l'histoire commence par la visite d'une chercheuse en psychologie au vieil ami de son grand père exilé en Amérique. Très vite, nous sommes projetés à plus de 70 ans en arrière. Le vieux Docteur se fait le narrateur d'une histoire où de temps à autre il interprète l'ombre de son propre personnage. 1942, la guerre fait rage, nous sommes dans un petit village de Pologne. Deux médecins en proie d'humanité décident de monter une supercherie complètement loufoque, limite clownesque, pour sauver les habitants de leur village des camps de travail. Un beau pied de nez aux nazis... un rien dangereux, surtout quand on sait cette histoire est inspirée de faits réels.

Dans cette pièce rondement menée, on y perçoit les codes du théâtre moderne : un décor soigné et amovible nous transportant d'une époque à l'autre, de multiples personnages, une musique proche du cinéma illustrant les émotions des comédiens et même une touche de comédie musicale (the cherry on the cake)... Oscillant entre un rythme effréné et des scènes beaucoup plus lentes mais dont le degré d'émotion est intense, ce spectacle est un joli fourmillement de sentiments. Et tout y passe : le public rit, pleure, retient son souffle quand il voit se dessiner l'ombre d'un casque à pointe.
La pièce fait également la part belle à la caricature ce qui donne un côté pétillant à l'histoire. Et quel joli clin d'œil à Jacques Villeret. Je pense ne pas avoir été la seule à avoir fait un lien avec le personnage de Ludwig von Apfelstrudel dans Papy fait de la résistance (ce qui nous a valu de fredonner "che n'ai pas chanché..." au sortir du théâtre). 

Pour conclure, cette pièce inspirée de faits réels rend un bel hommage à ces hommes et ces femmes qui en dépit de leurs petits moyens ont eu le courage de lutter contre l'obscurantisme et la barbarie. Ces histoires d'hommes et de femmes modestes, qui n'hésitent pas à risquer leur vie pour les autres, la deuxième guerre mondiale en compte des milliers. Et cette pièce en est une belle illustration qui nous fait encore croire en l'humanité.

Et maintenant, à vous de jouer!

Maria-Nella

* les prénoms ont été changés 

Auteur et mise en scène : Mélody Mourey  

Chorégraphe : Reda Bendahou
Scénographe : Hélie Chomiac
Compositeur : Simon Meuret

Avec (en alternance) : Benjamin Arba, Merryl Beaudonnet, Constance Carrelet, Hélie Chomiac, Gaël Cottat, Rémi Couturier, Charlie Fargialla, Tadrina Hocking, Damien Jouillerot, Blaise le Boulanger, Claire-Lise Lecerf, Christian Pélissier, Frédéric Imberty, Charlotte Bigeard

Théâtre des Béliers Parisiens - 20 septembre 2018