L'augmentation
Prenez deux comédiens, un homme (costume dépareillé, cheveux gras, lunettes à double foyer) et une femme (tailleur jupe triste, cheveux en bataille, lunettes coinçouilles), une table à la fois estrade et écrin à rouge à lèvres, deux chaises de bureau, un texte déclamé au diapason sur un fond blanc, et vous aurez une œuvre originale, à l'humour grinçant et décapant.
L'augmentation est un véritable mode opératoire pour demander à son chef de service une revalorisation salariale. Pour couvrir toutes les situations, les deux comédiens enchaînent tous les cas de figures : si le chef de service est ou pas dans son bureau, s'il faut en passer par Mademoiselle Yolande, vérifier ses humeurs, bonnes ou mauvaises, discuter avec les autres services, guetter le responsable dans le couloir, le voir revenir, comment frapper à sa porte, comment rentrer dans son bureau, se demander s'il est judicieux de solliciter une revalorisation salariale le jour où il est malade, le jour ses enfants sont malades, ou si c'est l'employé lui-même qui est malade, comment gérer la mise quarantaine, le surendettement, les fournisseurs en retard, l'augmentation des prix et la concurrence par-dessus le marché... marché boursier bien sûr. Et surtout, bien refermer la porte derrière soi à cause du courant d'air.
Pendant les premières minutes de ce spectacle et face à ces deux personnages déroutants, ternes et décalés, incarnant toute la caricature de l'entreprise dans ses moindres détails, le public se demande dans quel OTNI, Objet Théâtral Non Identifié, il est monté à bord. Au-delà de l'aspect loufoque voire surréaliste de cette œuvre, L'augmentation est une satire du monde de l'entreprise poussé à son extrême. Le rythme de jeu monte crescendo jusqu'à l'explosion dans des moments de grande cohésion d'équipe côté scène et de grande rigolade côté public.
Endossant tour à tour les rôles de patrons, chefs de service, collègues plus ou moins bienveillants, les deux comédiens jouent sur tous les registres. Tantôt maladroits, tantôt très charismatiques voire autoritaires, ils avancent avec une seule idée en tête : leur pouvoir d'achat. Leur déclamation passe haut la main la grande difficulté de répéter un texte qui varie assez peu d'une situation à l'autre mais qui donne de plus en plus de relief à la pièce. Ces longs monologues sont entrecoupés de silence parfois gênants mais ils viennent accentuer le comique de situation.
Pour finir, L'augmentation est un spectacle loufoque, aux doux accents de Monty Python et qui entraîne le spectateur dans des calculs mentaux poussés afin d'anticiper toutes les situations en vue d'arriver à un seul et unique but : plus sous à la fin du mois... sujet d'actualité.
Et maintenant à vous de
jouer !
Maria-Nella
Texte Georges Perec
Mise en scène et
scénographie Anne-Laure Liégeois
Avec Olivier
Dutilloy et Anne Girouard
