La main de Leïla

04/04/2019


Une fois n'est pas coutume, l'article qui suit est consacré à une pièce que j'ai vu quatre fois (dont la dernière dans la ville de mon enfance à Grasse, ville chère à toute l'équipe) car très gros coup de cœur de mon festival d'Avignon 2017 : la main de Leïla.

La pièce commence d'une manière assez originale, car le public, qui n'est pas encore installé, se voit alors jouer son propre rôle. A l'entrée de la salle, Samir, un gentil poulbot Algérien, accueille les spectateurs par de chaleureuses poignées de main et les invite à prendre place dans son garage-cinéma. Samir monte sur scène, les lumières s'éteignent et ce dernier lance alors : "Messieurs et messieurs! Sayyidi wa Sayyidi, bonsoir! Bienvenue au "Haram Cinema" de Sidi Fares." Et c'est parti pour un très beau moment de poésie.

Côté scène, l'histoire débute dans le "cinéma péché" (interdit aux femmes) de Samir qui y joue en toute illégalité, car censurées par l'Etat, les grandes scènes de baiser du cinéma Hollywoodien en échange d'un dinar. Leïla, qui s'est déguisée en garçon, vient assister à une de ses séances pour le moins originales. Très vite démasquée, Leïla et Samir commencent une idylle passionnée sur fond de répliques cultes du cinéma des années 30-40.

Le problème, c'est que Leïla est la fille du colonel Bensaada, un monsieur dont le surnom est loin d'être "mini-doux". Chez lui, le concept de mélange des classes sociales n'est même pas une exoplanète se situant à des milliers d'années lumières de la Terre, c'est plutôt un trou noir. Autant dire tout de suite que le petit Samir dont les yeux brillent des étoiles d'Hollywood ne part pas avec les meilleurs atouts. Parallèlement à cette histoire de "Roméo et Juliette des sables", se tissent les événements d'octobre 88 où le peuple Algérien se lance dans un mouvement contestataire, prologue du printemps arabe. Et cette pièce engagée mélange avec brio la réalité de la situation économique, politique et culturelle de l'Algérie de la fin des années 80, avec la fiction d'une histoire d'amour qui se veut impossible.

Côté backstage, on pourrait penser de prime abord que le décor est fait de bric et de broc. Néanmoins, le public comprend vite que c'est un "bazar" organisé, voire calculé. Sur ce point, on va de surprise en surprise car tous les éléments sur scène ont de multiples fonctions : une robe se transformant en rideau, une bassine en évier, des caisses en plastique en barricades improvisées...
Pour ce qui est de la mise en scène, elle est à l'image de la pièce, un petit bijou de précision. Le rythme est continu, sans temps mort, les déplacements sont réglés comme du papier à musique et les lumières offrent un vrai liant à la mise en scène. Je tiens également à souligner la très belle musique qui accompagne cette pièce et qui a le don démultiplier l'émotion. Etant issue d'une famille de mélomanes, j'avoue que mon oreille est sensible aux mélodies et celles de la main de Leïla jouent vraiment leur rôle. Toujours dans le registre du son, j'ai constaté entre les trois représentations une vraie progression dans le travail des bruitages. A titre d'exemple, les grillons et les aboiements de chiens entuendus lors des scènes de nuit sur la terrasse de Leïla, tout comme le vacarme des manifestations accentuent le réalisme de la pièce.
Enfin, l'interprétation des comédiens est également une prouesse à souligner. En effet, ces derniers interprètent tour à tour un éventail de personnages à la fois drôles, touchants et sévères... Et c'est un véritable défi (relevé) pour ces trois là que de passer en un claquement de doigt d'un registre un autre. 


Pour conclure, cette pièce m'a profondément touchée. Déjà pour ce mélange poétique entre rêve et réalité, mais également pour des raisons un peu plus personnelles. En effet, enfant des années 80, j'avais pour amie une petite voisine Algérienne qui, autours de pâtisseries orientales, me contait la culture de son pays : la famille laissée sur place, la maison bien plus spacieuse que le petit appartement de France, les grandes fêtes familiales, les banquets à n'en plus finir, les couleurs chatoyantes des tissus, la campagne poussiéreuse baignée de soleil... Et ses récits d'enfant au goût de miel me faisaient voyager...

Et maintenant, à vous de jouer!
Maria-Nella

Auteur(e)s : Aïda ASGHARZADEH & Kamel ISKER
Mise en scène : Régis VALLEE
Scénographie : Philippe JASKO
Lumières : Aleth DEPEYRE
Costumes : Marion REBMANN
Musique : Manuel PESKINE
Avec : Aïda ASGHARZADEH, Kamel ISKER et Azize KABOUCHE

Théâtre des Béliers Avignon - 22 juillet 2017
Théâtre des Béliers Parisiens - 24 septembre 2017
La Pépinière Théâtre - 30 avril 2018

Le théâtre de Grasse - 4 avril 2019

Dates de la tournée 

2018

  • 29 oct au 5 nov - SAN FRANCISCO 
  • 6 au 26 nov - TAHITI

2019 

  • 17/01 ROUSSET 
  • 18/01 MAZAN 
  • 26/01 LA HAYE (NL) 
  • 01/02 LES HERBIERS 
  • 08 et 09/02 VAL BREON 
  • 19 au 25/02 BEYROUTH 
  • 28/02 et 01/03 MONTARGIS 
  • 06/03 DECINES 
  • 15/03 MILLAU 
  • 22/03 VIBRAYE 
  • 24/03 ALENÇON 
  • 29 et 30/03 AJACCIO 
  • 03 et 04/04 GRASSE 
  • 06/04 LES CLAYES SOUS BOIS 
  • 17/05 PIERREFITTE 
  • 18/05 NEMOURS 
  • 28/05 LEZIGNAN CORBIÈRES